OKLM Radio: révolution ou simple coup marketing pour Booba?
This article is written in French as it focuses on a smartphone app primarily released for the French market and other french-speaking countries. Interested in the English transcript? Email me at romu.gaboriau@gmail.com.
Après avoir lancé oklm.com, le Worldstarhiphop à la française, Booba a récemment sorti l’application OKLM Radio. Malgré la surprise suscitée à l’annonce de cette nouvelle, cela semble être une suite logique étant donné l’incroyable explosion du support numérique. En Septembre 2015, les web radios representaient 10,8% du volume total d’écoute contre 3,4% en 2009 selon Médiamétrie.
En plus de l’utilisation des reséaux sociaux, en particulier Instagram, Booba a profité de la promo de son dernier album Nero Nemesis pour évoquer l’arrivée de la radio.
Le lancement d’OKLM Radio est-il un modèle économique viable et une vraie révolution, ou un simple coup de génie marketing pour Booba ?
PS: Beaucoup de mes commentaires font référence au podcast Ça Parle Hip-Hop (CPHH) présent a la fin de cet article.
Modèle Economique d’OKLM Radio
Avant de commencer, parlons tout d’abord du concept du MVP, ou produit minimum viable. J’évoquerais ce concept tout au long de ce blog tant cette application semble être en phase avec celui-ci. Le produit minimum viable (anglais : Minimum Viable Product, MVP) est une stratégie de développement de produit, utilisée pour de rapides et quantitatifs tests de mise sur le marché d’un produit ou d’une fonctionnalité. Cette stratégie a été popularisée par Eric Ries dans son livre Lean Startup.
Tout d’abord, l’un des points agréables de l’application est l’absence totale de distraction. Certes, le nombre de fonctionnalités est plus que limité, mais aucune pub ne perturbe le graphisme. Cela nous permet de nous concentrer sur notre objectif principal: écouter de la “bonne musique”.
Cette approche rejoint le concept de MVP : sortir une première version avec un budget limité pour se lancer rapidement afin de faire évoluer le produit en fonction des retours clients. le but est de limiter l’impact financier tout en développant un produit créant/répondant à une demande.
Pourquoi ne retrouvons donc pas de bannières publicitaires ? Il semble que Booba et son équipe souhaite créer une expérience simple et agréable avant tout. On peut penser qu’accroître rapidement la base utilisateurs est l’objectif principal afin de pouvoir monétiser dans un second temps.
Une fois ce seuil critique atteint, et les utilisateurs ayant former des habitudes d’écoute quotidienne, la monétisation sous forme de bannières ou autres skins sponsorisés serait envisageable. On peut aussi imaginer de vrai pub format radio ou également de longs programmes sponsorisés comme de nombreux podcasteurs peuvent le faire sur iTunes (native advertising).
Pour le moment, l’application gratuite ne génère donc aucun revenu.
Au vue des indications données par l’équipe de Booba, le budget est relativement faible. Romain d’OKLM indique même que “c’est quelque chose que beaucoup de gens auraient pu faire par le passé”. La grosse différence étant la notoriété dont Booba se sert comme levier.
“C’est quelque chose que beaucoup de gens auraient pu faire par le passé”. La grosse différence étant la notoriété dont Booba se sert comme levier.” – Romain d’OKLM.
Expérience Utilisateur
Comme sous-entendu auparavant, l’interface est pour le moment très limitée. Je ne suis pas designer, mais malgré le fait que certains trouvent le graphisme horrible, je la trouve tout à fait correcte et simple d’utilisation. A mon sens, la simplicité reste l’objectif principal d’une interface.
Au-delà de l’aspect visuel, le contenu est également limité et le choix du mot « radio » reste trompeur. On a vraiment accès à une playlist en streaming sans possibilité d’intéragir avec le player mis à part le bouton lecture/pause.
Bonne ou mauvaise chose ? Personnellement, je m’y suis fait.
Ne vivant plus en France depuis 5 ans, j’ai parfois du mal à suivre tout ce qui se passe au niveau rap français. A l’inverse d’un Spotify au catalogue illimité dans lequel il est difficile de se perdre, OKLM Radio évite le phénomène de paradoxe du choix et le fameux “Less is more” prend alors tout son sens.
Pour en revenir sur le catalogue musical, Romain d’OKLM nous promet un “volume de titre fois 50 ou fois 100 ce qui passe sur les radios commerciales”. Dans l’interview partagée en fin d’article, il nous parle d’ailleurs de “2000 titres en rotation”. En effet, d’après la SNEP, 10 titres représentent à eux seuls 75% des diffusions de nouveautés francophones. Sans ouvrir le débat des contraintes de rotation, de quotas et de Sacem, difficile de faire pire…
Malheureusement, pour le moment, c’est raté pour moi ! En une semaine (en moyenne une heure d’écoute par jour), j’ai entendu Finis-les d’Alonzo, La Mula de Gradur et de nombreux titres de Jul dont je ne me rappelle pas (pas forcément mon artiste préféré) de manière trop répétitive. Je ne compte pas mettre ça sur le compte de la malchance mais bel et bien sur celui d’une playlist limitée. Même si on nous explique que certains titres sont en plus forte rotation que d’autres, ce qui nous ramène au concept des radios FM de grandes écoutes, j’espère que cela va évoluer.
Il y a d’ailleurs beaucoup de mystères autour de qui fait quoi. Est-ce que Booba est derrière son PC en train de faire la playlist ? Bien sur que non ! Cependant les interviews des membres de son équipe laissent trainer le doute sur le rôle de chacun, en évoquant simplement l’implication d’un grand DJ et la validation des sons par un “comité”.
Conclusion
Booba veut-il vraiment concurrencer Skyrock? D’après les différences de support et de modèle économique, je dirais non, même si cela sonne bien pour faire le buzz. Cependant, Romain d’OKLM explique que l’objectif est de « créer une économie au service la culture », « la démarche inverse de Skyrock » qui a choisi de diffuser du rap uniquement suite à la loi Toubon en 1994.
Les autres artistes sont-ils pris en compte et seront-ils rémunérés ? Romain évoque brièvement le fait qu’OKLM Radio peut « rapporter de la Sacem » en prenant l’artiste Kenyon comme exemple. Si vous pouvez m’expliquer comment, je suis intéressé…
Malgré tous ces doutes, OKLM Radio reste une très bonne initiative qui, sans pour autant être une vraie révolution, fait bouger l’ordre des choses et renforce le côté entrepreneur de Booba.
L’application en est clairement à ses prémices et évolue déjà. On a récemment pu apercevoir les possibilités de celle-ci avec l’exclu de Dosseh. Dans un futur proche, on peut imaginer plus de programmes spécialisés et originaux comme c’est le cas sur Oklm.com.
Nouveau @DossehLaFamine – Je Suis Yuri (Yuri Negrowski 9) en exclu sur @oklmradio pic.twitter.com/66hmgOxTC3
— OKLM Radio (@oklmradio) December 29, 2015
Au-delà du concept de MVP expliqué plus haut, OKLM Radio se plie à une autre notion marketing importante de notre ère digitale. Créer de la valeur (contenu) sur des plateformes qui ne nous appartiennent pas et qui pourraient disparaitre demain est un gros risque.
Pour Booba, être son propre distributeur de contenu est sûrement le plus gros avantage.
Malgré le buzz créé, NRJ, Skyrock, et Chérie FM, trois radios principalement sur bande FM, représentent une vraie concurrence de part leur présence web grandissante. En attendant la suite, on nous promet des émissions, des DJs, et des « activistes du mouvement » (Update: certains DJs comme DJ Weedim on désormais leur show hebdomadaire).
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Dans l’épisode ci-dessous de Ca Parle Hip-Hop, Fred de Sky et Romain de OKLM.com parlent de l’appli à partir de 25 minutes.
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